jeudi 6 septembre 2012

chiens


Comprendre. C’est ce que j’essaie de faire lorsque je suis baignée dans un univers inconnu. Mais discrète, pudique, la réalité du monde ne se dévoile pas si facilement. Alors le sens échappe parfois, les subtilités se dérobent et il ne reste que l’apparence.  Alors même avec les yeux grands ouverts, les oreilles aux aguets, il faut du temps pour appréhender les différentes réalités d’une culture, d’une identité.
Il me reste donc la description. Et c’est ce que j’essaye de faire ici. Colorier des petits morceaux d’un gigantesque tableau et vous le faire partager.
Et j’ai omis beaucoup de choses. Car j’aurais pu vous parler de l’ambiance du port, de tous ces gens qui font le choix de s’installer ici par amour pour la ville, de la féria du dimanche, de la vie nocturne qui ne s’arrête jamais, à chaque nuit son lieu, des concerts de folklore au gato en la ventana ou au canario, du parque cultural de l’ex-carcel, de l’inégalité entre les "cerros", de la passion pour l’avocat, des completos (sorte de hot-dog) à 5h du matin, des minibus bus qui foncent sans crier garde, du camion qui vend du gaz, de la répression policière lors des manifs, des taxis collectifs, des loups de mer sur la plage, de l’impossible ascension sociale, de la ponctualité chilienne, du regard qu’ils portent sur l’ Europe, des peuples indigènes Mapuche, de la « rivalité » Viña del mar-Valparaiso, de la relation avec la capitale Santiago, du sentiment d' identité latinoaméricaine, des relations homme-femme, de l’héritage de la dictature, enfin de beaucoup de choses encore.




Mais là je vais vous parler des habitants de Valparaiso. Non pas des humains, mais des chiens. Car ce qui frappe ici c’est bien l’omniprésence des chiens errants. Ce n’est cependant pas une spécificité de Valparaiso, mais une constante en Amérique du sud.  Et je vous en parle, pas parce que je porte une affection particulière á ces boules de puces mais bien car ils font partie intégrante de l’identité de la ville. A toutes les heures, sur toutes les places, des chiens obèses, squelettiques,  noirs, blancs, meurtris ou câlins, déambulent à la recherche d’une poubelle égarée, font la sieste à l’ombre d’une voiture. Ils se jettent sous les roues des voitures, accompagnent les noctambules qui titubent, consolent les âmes en peine, menacent les plus peureux. Lors des manifs ils sont aussi de la partie. Un fléau, un problème, une curiosité, enfin bref ils sont là, leurs aboiements se mêlant aux klaxons des conducteurs préssés.





lundi 27 août 2012

sanboard


J'entame mes derniers jours ici. Alors je commence ma "liste-des-choses-à-faire-avant-de-partir". Dimanche j'ai barré "sandboard". Comme son nom l' indique, il s'agit de glisser sur le sable à l'aide d' une planche en bois. C'est plutôt marrant, quand ça glisse, mais tout de suite plus fatiguant lorsqu'il faut remonter. Et le "sanboard" se pratique sur les dunes de sable de Concon, après avoir loué le matériel à un dame au bord de la route.

Sur cette route qui longe la côte, après Valparaiso, il y a Viña del mar, riñaca puis Concon. Les surfeurs ont élu domicile là bas. Sur la plage il est aussi possible de faire du cheval, d'escalader les rochers ou de manger des empanadas aux fruits de mer. Mais ici, le béton semble gagner la triste bataille contre les éléments. De grands immeubles tout moche et tout moderne envahissent petit à petit ces étendues aux formes mouvantes.

jeudi 23 août 2012

Système

A la sortie du supermarché du centre ville : des stands de marchands à la sauvette. Sur le trottoir on peut trouver de tout.  Des pois chiches cuisinés dans des petits sacs, des fruits de mer, des bananes, du papier toilette ou des brosses à dents. Cette juxtaposition illustre bien la réalité du pays. Un Chili schizophrène et ambigu. Un capitalisme grandissant qui vit à côté d'une précarité bien visible. Un système D qui tente, tant que bien mal, de combler les brèches d'un système à la belle vitrine. On peut se faire cirer les pompes devant le fast-food, on peut acheter trois cacahuètes en sortant de la banque. Le système le plus libéral d'Amérique latine a certes profité à quelques uns, une poignée de familles se partage les biftons. Une ouverture qui permet aussi que les richesses naturelles du pays (lithium, cuivre) soit vendues à des firmes multinationales qui s'engrossent sans presque aucun retour pour les Chiliens.

Or à côté des Chiliens aux poches bien remplies, une classe populaire peine à s'en sortir.  Alors comme ils disent souvent ici "il faut mieux être né du bon côté". Car le plus inquiétant c'est  que le système est bloqué, verrouillé. Ces inégalités alarmantes ne peuvent se niveler, l' ascension sociale est inexistante. Et cela en raison principalement d'un système éducatif inégalitaire et très cher. "C'est le nom de l'université qui déterminera ton poste et ton salaire plus tard"disent beaucoup de Chiliens. Et le nom se prend à crédit. Avant de commencer à travailler les jeunes chiliens sont déjà endettés jusqu'au cou. Qu'ils aillent dans le privé ou dans le public, la scolarité coûte une fortune. Alors il n'est pas rare d'entendre "moi de toute façon je paierai pas mes dettes, je ne peux pas". Ce système date de la dictature et n' a été que très peu modifié. Et ce n'est pas faute de mouvements sociaux. Depuis plus d'un an les étudiants sont dans la rue, pour réclamer une refonte totale du système d'éducation. Mais le gouvernement ne bronche pas. Alors les étudiants crient de plus belle, le "mouvement se radicalise" comme on dit. Des manifs sont organisées régulièrement. Et comme le veut la coutume elles se finissent en baston avec les forces de l'ordre. Des forces de l'ordre qui n'y vont pas de main morte, bombe lacrymo, jet d'eau et tout l'attirail. Une répression qui ne semble pas décourager les étudiants qui sont soutenus par beaucoup de profs.

On présente souvent le Chili comme un pays qui a réussi, un modèle pour l'Amérique latine. Moins de délinquance, taux de pauvreté moins important, une capitale "à l'européenne" ("au moins Santiago c'est propre"), un taux de croissance qui ferait rougir de honte l'Europe... Mais à qui profite ce système ? A ceux qui ne peuvent pas se soigner car la santé est trop coûteuse, aux "Mapuches" ( peuple indigène) qui se battent pour ne pas se faire voler leur terre ancestrale, aux mineurs qui meurent prématurément en raison de leur condition de travail dans les mines de cuivre ?

mardi 21 août 2012

Inti



Avec ses 300 000 habitants Valparaiso est la deuxième ville du Chili mais est souvent qualifiée de  capitale culturelle. Et l'on comprend rapidement pourquoi. En plus d'accueillir une tripoté d'artistes "la Joya del Pacifico", comme le dit la chanson, inspire ; Valpo porte en elle, sur ses murs, ses façades cet élan de créativité. Au fil des tags, des "murales" la ville change de visage et de tempérament. Il y a les peintures "légales" et les grafs sauvages et le gouvernement tente de mettre un frein en arrêtant ces tagueurs "illégaux".  Mais ce qui est sûr c'est que de messages d'amour en appels à la rébellion, de ras le bol en utopies les murs ne restent pas muets. 
Pour lepetitjournal.com (là où je fais mon stage) j'ai interrogé Inti, un des artistes qui habille Valparaiso, mais pas seulement. Un coup de coeur. Je vous laisse lire ici


Et puis quelques morceaux de murs au hasard











samedi 11 août 2012

la langue chilienne poh!

Detrompez-vous, au Chili on ne parle pas espagnol! Mais bien le chilien.

Bon ok ça reste de l'espagnol, mais arrosée à la sauce "chillenismo" : des expressions que l'on ne trouve qu'ici!

Alors à mon arrivée c'était tout un sport que de comprendre les propos de mes interlocuteurs! Même si la plupart des Chiliens font attention lorsqu'ils parlent à un étranger. Mais alors quand tu te retrouves au milieu d'une discussion enflammée, et que commence le festival du "chillenisme", il vaut mieux être bien accroché!

Je suis donc arrivée ici avec mon pseudo accent "franco-argentin", qui n'est pas passé inaperçu, et je vais repartir avec une touche de chilien : un joyeux bordel linguistique!
Alors si un jour vous passez par ce merveilleux pays ou que vous croisez un chilien : voici un petit kit de survie. Il est loin d'être complet, le chilien a encore beaucoup de secret, mais voici un aperçu.
(la bonne orthographe de ces mots n'est pas assurée.)


Pour commencer, l' INDISPENSABLE, l' INEVITABLE, la couverture de survie de ce kit, il s'agit  bien évidemment du frénétique "catchaï ?" ( prononcé : katchay)
Ce verbe inspiré de l'anglais (to catch) signifie "tu piges?", "tu captes ?", "tu comprends?"
Si certains l'utilisent à bon escient d'autres en sont malades, dépendants, accros.
Comme beaucoup d'expressions chiliennes le "catchaï" se conjugue "catcho!, catchaste?"
Et pour ceux qui se demandent pourquoi on ne dit pas "catchas?" au lieu de "catch?" C'est que le Chilien conjugue souvent la deuxième personne du singulier ainsi : aï.
Exemple : Como estaï? pour como estas?

Autre particularité, autre tic. Le poh! Un virus qui a contaminé tout le pays semble-t-il.
Ce petit son ponctue les phrases, il se rajoute à sa guise. Mais on le retrouve le plus fréquemment derrière le si et le no, ce qui donne : sipoh / nopoh.

Autre INCONTOURNABLE, le huevon (prononciation à la cool, bouche très détendue, faible articulation : ouéone). Existe au féminin : huevona.
Il peut être traduit par "con", "couillon", "mec", "meuf", "gros" et s'utilise non-stop!
Selon le ton, cela peut être affectif, preuve de sympathie, insultant, ridiculisant...

Utilisé sans mesure aussi : Hueva : ( prononciation : oué'a) et peut être traduit par ce truc, ce machin, ce bordel, cette merde.

Pour survivre au Chili il faut aussi connaitre le terme carrete, et le verbe carretear.
Expression qui veut dire "faire la fête". Et si vous avez beaucoup "carrété" le lendemain caña assurée : gueule de bois.

Mais cela ne s'arrête pas là, voici en vrac quelques mots couramment utilisés

al tiro : maintenant, tout de suite
chucha : merde, putain, enfin pour jurer, s'exclamer quoi!
pololo/la : petite copine, stade avant novio/a,  et par conséquent le verbe : pololear
caleta : beaucoup
fomé : ennuyant, chiant
cuico : un mec qui se la pète et qui a du fric, arrogant
flaite : racaille
local : un bar, une boite
pacos : les flics
1 luca : mille pesos
bacan : trop bien, trop cool
la raja : vraiment trop bien, vraiment trop cool
chela : bière
te tinca? : ça te dit?
Pour rire de sa propre blague le "je plaisante" français : mwhaaaa (difficile à écrire)
un copete : un verre (boire un coup)
que lata : dommage
filo : laisse tombé

Y Catchaï un poco el chileno huevon? 



vendredi 3 août 2012

Quand la nature fait des siennes


Ce week-end la "pacha mama" -la mère terre- a fait des siennes. Pour commencer, vendredi après midi la terre a tremblé. Seulement un petit peu, un mini tremblement mais assez pour me surprendre. Mes fenêtres ont vibré. Etonnée je suis allée voir mes colocs chiliens : "Et ça a tremblé!?". Ma réaction les a bien fait rire "pfff c'est un microbe de tremblement ça". Habitués des secousses, ils n'y font presque plus attention. En revanche ils se sont bien amusés à me raconter qu'une secousse n'arrive jamais seule et que la seconde est toujours plus forte. Pour le moment rien. Après, chacun en est allé de son anecdote de tremblement de terre. Malgré les ravages que les gros tremblements de terre ont pu causer au Chili cela reste un thème de plaisanteries. Une chilienne m'a dit en s'esclaffant "Si tu n'as pas de chance tu vas connaitre seulement un tremblement de terre, et si tu as de la chance un tsunami!". Comble de l'ironie, l'une des boissons cultes ici s'appelle "terremoto"-tremblement de terre-, un dangereux mélange d'alcool qui te fait trembler après l'avoir bu... Il parait.
Vendredi dans la nuit, une tempête de pluie a laissé toute trempée Valparaiso, mais a surtout inondé mon appartement. Aujourd'hui samedi, le sol est parsemé de casseroles qui reçoivent les goutes du plafond et des papiers journaux absorbent le déluge. Alors ce soir, les rayons de soleil perçant les nuages remplis de pluie, ont dessiné un magnifique arc-en-ciel englobant tout Valparaiso qui se colorait de sa lueur du soir.


mardi 31 juillet 2012

La ciudad abierta

Pour vous prouver que je travaille -un peu- ici voici un lien vers un article du lepetitjournal.com.
Il s'agit d'une petite visite à la Ciudad Abierta, un lieu d'architectures surprenantes niché dans les dunes de sable.


Etant la seule "en poste" à Valparaiso je travaille de chez moi, de mon lit plus précisément et la plupart du temps en pyjama. Autonomie agréable certes mais parfois angoissante. Car c'est à moi de trouver les sujets, les interlocuteurs et à moi de fixer les dates de rendus. Rigueur parfois difficile à s'imposer soi-même. Cependant ma "chef" qui se trouve à Santiago veille au grain, elle me relit, me corrige et me guide.